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Conférence de Carême -Parler à Dieu ou parler de Dieu, avec Saint Dominique

De saint Dominique, nous en connaissons tous quelque chose que nous avons certainement dans nos poches, il s’agit du chapelet. Il est constitué à l’origine d’une couronne de 10 roses, d’où son nom. Il n’y a rien de surprenant à ce que ce soient aujourd’hui les dominicains qui organisent à Lourdes les pèlerinages du rosaire. En parlant aujourd’hui de saint Dominique, nous allons voir que ce saint fait partie de notre patrimoine ecclésial, européen et français. Il s’agit d’un amoureux de la Parole de Dieu.


1/ Saint Dominique en quelques dates

Sa jeunesse

Dominique de Guzman nait à la fin du XIIe siècle, vers 1170, en Castille. Son nom Dominicus signifie celui qui est consacré au Seigneur, il est né près d’une abbaye déjà dédiée à un autre saint du même nom. En effet, il s’agit d’un prénom courant en orient, Dominique en est la version latine, Cyriaque la version grecque. Vers l’âge de 17 ans, il s’engage dans une carrière ecclésiastique, où il étudie les arts et la théologie ; ce qui n’est pas anodin à cette époque.


Intégration au chapitre des chanoines réguliers

Après être devenu prêtre, il intègre le chapitre des chanoines réguliers d’Osma en Castille, où il rencontre un certain Diego, qui deviendra l’évêque du lieu. La création du chapitre des chanoines réguliers remonte à Saint Augustin, 700 ans avant saint Dominique, qui, évêque en Tunisie, contraint ses prêtres, à vivre en communauté comme des chanoines. Il leur impose une règle de vie (d’où le mot de régulier, à différencier de séculier, qui n’a pas de règle et n’appartient pas au chapitre) et une vie commune (d’où le nom de chanoine). C’est des chanoines réguliers que vient l’habit blanc des dominicains.


L’hérésie des Albigeois

Saint Dominique porte désormais devient en quelque sorte le secrétaire particulier de l’évêque Diego. Il voyage avec lui entre l’Espagne et le Danemark et découvre l’hérésie des Albigeois dans le midi de la France. Ce mouvement fit beaucoup de mal à la foi catholique en éloignant la population du Christ. L’hérésie des Albigeois, connue sous le nom de catharisme, est une doctrine qui éloignait les gens du Christ et de l’Eglise (Dieu serait inaccessible, le monde matériel est mauvais, transformation du baptême en remplaçant l’eau par un évangile, rejet de l’eucharistie et du mariage). Le Christ étant la seule réponse à nos aspirations les plus profondes, les gens qui s’en éloignent, sont malheureux. Il est d’autant plus désolant de voir que les gens ont été coupés de cette réponse alors qu’ils avaient été évangélisés. Saint Dominique rencontre des ambassadeurs du pape qui sont chargés de convertir les hérétiques.


A cette époque, la prédication publique était réservée aux évêques et à ceux qu’ils désignaient pour cela. Les prêtres n’y étaient pas forcément autorisés. Le Pape Innocent III, à la demande de son évêque Diego, permet de recruter des prédicateurs pour lutter contre l’hérésie. Des religieux peuvent à présent prêcher l’Evangile. C’est à ce moment-là que l’évêque de Toulouse lui demande de s’arrêter dans son diocèse. Saint Dominique va beaucoup prêcher par l’exemple mais aussi par la Parole de Dieu pour permettre de remettre le Christ au cœur de la foi et de l’espérance.


Quelques années plus tard, Dominique s’implante de plus en plus dans la région et on lui donnera une église dans Toulouse en 1216. L’année suivante, saint Dominique envoie des frères à Paris qui rejoindront le Couvent des Jacobins – du nom de la paroisse saint Jacques, les mêmes jacobins qui donneront leur nom à un groupe de députés de la première assemblée.


Création de l’ordre des frères prêcheurs

Comme il dépasse les frontières d’un diocèse, saint Dominique fait reconnaître son ordre. Le pape crée l’ordre des frères prêcheurs, finalisé par la pauvreté, la fraternité mais aussi la prédication. Il fonde un premier couvent à Ségovie en Espagne. Un deuxième couvent verra le jour à Bologne en Italie. L’ordre s’épanouit un peu partout, si bien qu’à l’âge de cinquante ans, Dominique a déjà ouvert plusieurs couvents et plusieurs saints de l’Eglise sont déjà en train de s’y nourrir de la Parole de Dieu, de l’idéal évangélique et du courage de la prédication par l’exemple et la Parole.


Saint Dominique organise des élections pour savoir qui va être le maître de l’ordre, il remet sa charge, est finalement réélu mais, l’année suivante, il tombe malade et meurt. Il est canonisé seulement treize ans après sa mort, si vive était sa réputation de sainteté !


2/ Saint Dominique et la Parole de Dieu

En chemin avec la Parole

Saint Dominique parcourait les routes du monde comme prédicateur itinérant, portant sur lui l’évangile de saint Matthieu et les Lettres de saint Paul, jusqu’à les savoir presque par cœur. Saint Dominique cheminant avec la Parole, c’est point de repère dans l’idéal dominicain.

Pour bien prêcher, il faut prêcher Dieu et non soi-même. Toute prédication authentique naît d’une rencontre avec la Parole de Dieu. Sa prédication venait indubitablement de son écoute priante et contemplative de la Parole de Dieu tandis qu’il marchait sur les routes de la vie. L’itinérance de saint Dominique n’est pas seulement un chemin géographique ; c’est un chemin spirituel, une façon de marcher avec le Christ.


Saint Dominique et la Parole de Dieu étaient de fidèles compagnons de voyage. Il conseillait à chacun de ses frères d’avoir toujours sur eux un livre de la Sainte Ecriture pour pouvoir méditer la Parole, l’échanger entre eux et pouvoir aussi s’en imprégner, à l’image des disciples d’Emmaüs au soir de la Résurrection. Les deux disciples sont dans la tristesse, la confusion et le découragement ; mais malgré leur tristesse, le Christ ressuscité les rejoint sans qu’ils ne le reconnaissent. Il fait chemin avec eux et leur explique les Ecritures, tandis que leur cœur est ardent.


Comme saint Dominique, nous pouvons cheminer en compagnie de la Parole de vie, le Verbe du Père. Que la Parole, au cours de notre journée, de nos temps de déplacement, soit toujours avec nous en sachant que, comme les disciples d’Emmaüs, le Seigneur sera toujours avec nous pour découvrir quelque chose de nouveau, pour nous aider à toujours entrer davantage dans l’intelligence des mystères.


Le Rosaire

Si nous n’avons pas la Parole de Dieu sur nous, il y a toujours la prière du Rosaire. Nous pouvons toujours prier le Je vous salue Marie, dont la première partie est composée de paroles de l’Evangile, inspirées par l’Esprit Saint, adressées à Marie, par l’Ange Gabriel et par Elisabeth. Cette prière est connectée à la Sainte Ecriture, et c’est tout l’Evangile qui est contenu dans ce mystère de l’Incarnation, qui commence à l’Annonciation, aux paroles de l’Ange. Les mystères de Jésus sont un condensé de l’Evangile. Spirituellement sont rendus présents l’Annonciation, la Visitation, la Nativité, la souffrance et la mort de Jésus, la Résurrection, l’Ascension… Le Rosaire est une prière de l’Evangile, elle ne nous éloigne pas de la Parole de Dieu mais nous connecte avec des événements de la vie du Christ. Pour que notre prière ne soit pas desséchée, il est bon de relire les passages bibliques des mystères que nous méditons dans le Rosaire.


De plus, à cette époque, une partie de la population était analphabète, et la prière orale du chapelet était la meilleure manière de connecter les personnes à la Parole de Dieu. Le chapelet est un moyen simple d’avoir la Parole de Dieu avec soi. Prier la Vierge Marie, qui nous apporte la Parole, c’est se laisser nous-mêmes engendrer, comme la Parole a été engendrée.


La Lectio Divina

Saint Dominique transforme l’antique pratique de la Lectio Divina, lecture priante de la Bible. Désormais ce n’est plus seulement la Lectio Divina du moine solitaire, mais elle devient une pratique spirituelle et communautaire au service de la prédication de l’Evangile. Cela permet d’échanger spirituellement, de mettre en commun afin de mieux comprendre car Dieu donne à chacun des réfractions de sa lumière.


Voilà pourquoi saint Dominique peut être un maître de la méditation et de la prédication de la Parole de Dieu. Evangéliser, prêcher, faire rencontrer le Christ est la plus grande et belle chose que l’on peut offrir à quelqu’un, car, c’est de la Charité que naît la véritable prédication. Souhaitons aux gens que l’on aime, non pas la santé, ni la sainteté en premier lieu, mais la rencontre avec le Christ, nécessaire pour leur Salut.


Pendant ce Carême, faisons croître notre charité en partageant notre pain avec le prochain et en particulier ce pain de la Parole de Dieu qui a été ce fortifiant qui a animé saint Dominique. Si nous cheminons nous aussi avec la Parole, nous serons capables de la porter aux disciples d’Emmaüs que nous rencontrerons, eux qui attendent que nous leur apportions le Christ pour embraser leur cœur en attente.

 

Lectures conseillées

Saint Dominique et l’ordre des frères prêcheurs, de Nicole Bériou, Editions du cerf

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Annexes

1 /Actes du procès de canonisation


A l’époque des premières canonisations, comme saint François d’Assise quelques années plus tôt, il est intéressant de voir ce qui a pu être dit dans le procès de canonisation de saint Dominique. Des recueils sont constitués, des enquêtes sur sa réputation de sainteté sont faites, étant donné qu’il n’a pas imité le Christ dans sa mort en étant martyre, mais dans sa vertu. Saint Dominique a bien perçu la double dynamique : parler à Dieu et parler de Dieu. Pour bien parler de Dieu, il faut tout d’abord bien le connaître et s’entretenir avec lui.


L’ordre des prêcheurs fit ce résumé :

Dominique était doué d’une grande sainteté, animé d’un esprit de ferveur. Il suffisait de le voir pour se rendre compte qu’on était devant une personne particulièrement bénie de la grâce.


Il y avait en lui une solidité de caractère, troublée seulement quand il s’agissait de compatir aux souffrances d’autrui.. Son visage rayonnait de la joie qui animait son cœur.


Il apparaissait homme selon l’évangile, dans les paroles et dans les actes. Sociable avec tous la journée, assidu plus que tous dans la prière et les veilles durant les nuits.


Il était assez économe de paroles, et, s’il ouvrait la bouche, c’était ou pour parler avec Dieu dans la prière, ou pour parler de Dieu. Voilà la règle qu’il suivait et qu’il recommandait à ses frères, comme maître de spiritualité.


La grâce qu’il demandait le plus intensément à Dieu était celle d’une charité ardente, qui le poussait à agir efficacement pour le salut de tous les hommes. Il considérait en effet qu’il pourrait devenir un membre parfait du Corps du Christ seulement s’il s’était dédié de toutes ses forces à conquérir les âmes. Il voulait en cela imiter le sauveur, qui tout entier s’est offert pour notre salut.


C’est pour cela qu’inspiré par Dieu, il fonda l’Ordre des frères prêcheurs, concrétisant un projet de la providence qu’il portait depuis longtemps.


Il exhortait souvent ses frères, à l’oral et dans ses lettres, à étudier toujours l’ancien et le nouveau testament. Il portait continuellement avec lui l’évangile de S. Matthieu et les lettres de S. Paul et il les méditait ainsi longuement, jusqu’à les savoir quasiment par cœur.


Deux ou trois fois on le choisit pour évêque, mais il refusa toujours, voulant plutôt vivre avec ses frères dans la pauvreté. Il conserva jusqu’au bout la splendeur de son célibat. Il voulait être flagellé, déchiré et mourir pour la foi au Christ. Grégoire IX a dit de lui : « Je connais un homme qui a suivi en toute chose le style de vie des apôtres. Il n’y a pas de doute qu’il soit au ciel associé à leur gloire. »


2/ Neuf manières de prier


La tradition dominicaine nous a transmis neuf manières de prier qui s’appuient sur la Parole de Dieu. Il s’agit-là d’un véritable trésor de la spiritualité dominicaine :


- La prière des inclinations

Saint Dominique se met à genoux devant le Seigneur, en signe d’humilité pour reconnaître sa petitesse devant Lui, cf Psaume 94 « Entrez, inclinez-vous, prosternons-nous, adorons le Seigneur qui nous a fait. Des profondeurs je crie vers toi Seigneur ».


- La prière des prostrations

C’est le fait de se tenir complètement allongé sur le sol devant le Seigneur. C’est ce qui est fait lors de la consécration des vierges, veuves, religieux, prêtres, diacres et évêques. Ce geste exprime le fait que nous ne sommes rien devant Dieu quand on est sur le point de lui demander la grâce de savoir prêcher et de savoir donner notre vie pour Lui, cf Psaume 118 « Mon âme est collée à la poussière, fais-moi vivre selon ta parole ».


- La prière du sang

C’est la prière qui naît de la contemplation du sang qui coule du Cœur du Christ, un cœur transpercé, proche du cœur brisé pour laisser circuler le sang en nous, malgré notre petitesse, malgré notre péché.


- La prière des regards

C’est essayer de regarder, de contempler Dieu « Qui regarde vers Lui, resplendira. Je t‘exalte Seigneur, tu m’as relevé, quand j’ai crié vers toi tu m’as guéri ».


- La prière des mains

C’est être capable de « lever les mains vers le Seigneur et de bénir le Seigneur », Psaume 133. « Battre des mains et acclamez Dieu par des cris de joie ».


- La prière de violence

C’est la prière où l’on est insistant auprès du Seigneur « Je tends les mains vers toi, me voici assoiffé, tout le jour je t’appelle ».


- La prière d’imploration

C’est être capable de pleurer devant le Seigneur, d’exprimer notre angoisse, cf Psaume 9.


- La prière d’intimité

C’est une prière de la méditation de la Parole de Dieu, une prière d’échanges intimes avec le Seigneur. C’est essayer de comprendre la Parole de Dieu, à travers la Lectio Divina en particulier.


- La prière en chemin

Prier en chemin est une des spécificités de saint Dominique, d’abord avec Diego puis avec ses frères.

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